Le Daito Ryu se cache dans les détails aussi, je voudrais apporter ma pierre à l’édifice en exprimant mon ressenti sur l’importance des atemis.

Sous le titre «Soignons nos atemis » volontairement un peu provocateur, je voulais souligner le rôle essentiel des atemis lors de la réalisation des techniques de Daito Ryu. Nous les oublions souvent, nous les bâclons, nous n’en mesurons pas la portée essentielle.

Un atemi, c’est, pense-t-on, facile à ajouter alors que la technique, elle, est difficile à réaliser. On va essayer de comprendre la technique, de la réaliser avec plus ou moins de réussite on rajoutera ensuite l’atémi puisque c’est compris dans le prix de la technique.

Quelle grossière erreur, selon moi, de penser ainsi. Ueshiba disait que « l’aikido n’était qu’Irimi et qu’Atemi » et je ne pourrais lui donner tort en imaginant même que cette façon de penser lui vient totalement de ses études du Daito Ryu.

En Daito Ryu, l’Atemi commence la technique et la termine. C’est que quelque part, il doit être primordial. Cette importance se trouve d’ailleurs soulignée dans l’échauffement classique tel qu’il était pratiqué au Daitokan sous Tokimune Sensei et que nous prenons le temps de réaliser quelques fois lors de nos stages. Cet échauffement traditionnel porte principalement sur la répétition des atemis de l’école. Si on s’échauffe ainsi, cela n’est sûrement pas pour rien, non ?

Au-delà de l’entrée Irimi, pratiquée assidument comme principe caractéristique d’Ikkajo, cet Irimi est quasiment toujours accompagné d’un atémi et joue plusieurs rôles indispensables à la réalisation technique. J’aurai même tendance à penser que, sans Atemi, pas de technique de Daito Ryu. Correctement réalisé, il aide Tori à se positionner pour réaliser la technique. Il lui permet d’être à la bonne distance, de mettre Uke en déséquilibre.

La réaction d’Uke à un atémi correctement porté le place ainsi dans une position corporelle permettant de réaliser la technique. Sans cette réaction, la technique ne peut être réalisée sans forcer ou sans la faire de façon erronée. L’atémi porté doit donc être réaliste, puissant et précis, il doit donner l’impression à Uke qu’il va être touché, le menant ainsi à avoir une réaction réflexe réaliste. Il ne doit donc pas être donné de façon molle. Il doit cependant être maitrisé, soit en s’arrêtant à quelques centimètres du corps d’Uke, soit en l’effleurant à peine … maîtrise, maîtrise et maîtrise...

Outre ce rôle primordial visant à positionner Uke en position de subir la technique, l’atémi permet aussi de se protéger en créant de la distance entre Tori et Uke.

C’est un point à ne pas oublier. Quand Tori vous prend par le col, son intention n’est pas de vous laisser réaliser gentiment Gyaku Ude Dori. Si j’étais Tori et que je vous prenais par le col, cela serait (i) soit pour vous mettre un coup de tête, (ii) vous en mettre une façon crochet (iii) vous soulevez pour vous projeter ou vous attirer à moi… Vous pouvez rayer les mentions inutiles mais surtout comprendre que l’atemi porté doit être simultané à la saisie de Tori. En portant les 3 atemis de façon immédiate, puissante, dynamique et réaliste au nez, au coude, aux cou…des (sic !), vous créez de la distance, Tori recule sa tête, allonge le bras au lieu de le durcir, se recroqueville autour de son appareil reproducteur, vous permettant alors de réaliser un magnifique Gyaku Ude Dori sans que ce partenaire indélicat ne durcisse le bras à l’instar d’un haltérophile professionnel vous empêchant alors de réaliser joliment la dite technique.

Je parlais de Gyaku Ude Dori mais je pourrais facilement citer presque les 30 techniques d’Ikkajo si on se limite à ce tableau. Pour quasi toutes, l’atémi permet de se protéger, de se mettre dans la bonne position et à la bonne distance, de positionner le corps d’Uke afin qu’il subisse la technique de la manière la plus efficace. Impossible selon moi de réaliser la moindre technique de jujutsu du Daito Ryu en bâclant l’atémi ou pire, en l’oubliant.

En introduction, nous avions indiqué que l’atémi commençait mais aussi terminait la technique. Cet atémi d’expression martiale, qu’il faudrait accompagner d’un Kiai puissant n’est pas à occulter. A l’instar des atémis regardés précédent, il doit être puissant, définitif puisqu’il simule la mise à mort de l’adversaire au moyen du Tanto ou du Kodachi constamment porté. Il est aussi révélateur qu’en Daito Ryu, nous ne projetons pas au loin Uke. Le but étant de le garder sous la main (ou sous le pied) pour l’achever (barbare n’est-ce pas). Uke doit donc être contrôlé totalement. Il ne doit pas pouvoir s’enfuir et échapper à cet atémi final. Donné principalement par le Shuto de la main, elle part du front, frappe (contrôlée svp) Uke fortement et s’élève ensuite vers le ciel accompagné d’un Kiaï « Toh » à faire vibrer les murs du Dojo et exprimant la force de son Zanshin.

Orientée vers le ciel, la position de la main de Tori n’est pas anodine. Tori devient alors le lien entre les forces célestes et telluriques en harmonisant ces deux mondes qui s’opposent pour rassembler leur énergie respective en un seul point. Tori se positionne au-dessus d’Uke, adoptant ainsi, tel un Kami, une attitude supérieure. Tori simule l’action du sabre tranchant verticalement son adversaire et puis il faut le dire, c’est quand même vachement classe !

Ces petites réflexions concernant cette partie non négligeable du Daito Ryu écrites, je vous invite donc désormais à les avoir en tête lorsque vous pratiquez et ainsi à soigner vos atémis (ca ne veut pas dire qu’on a le droit de bâcler la technique après, hein ?!!).

Je ne pourrais finir ce billet sans vous soumettre à un petit exercice. Contrairement à ce que vous venez de lire, quelles sont les rares techniques d’Ikkajo qui sont réalisés sans atemi ? Pour chacune d’entre elle, donner une explication à cette absence.

Réponses lors du prochain stage de la FDRDA.